L’association des Riverains du Dinghof
beyer.berthe@orange.fr
Vol.41-Folio 75
18 rue de la Wantzenau
67300 Schiltigheim
Schiltigheim, le 12 juin 2019
À l’attention des spécialistes
de l’histoire et de la restauration
des bâtiments anciens
Madame, Monsieur,
Le courrier présent est, en ces heures où pèse une réelle menace sur la maison historique du Dinghof du 17 ème siècle, un SOS lancé aux institutions et associations attachées à la préservation du patrimoine et, de ce fait, susceptibles – dans les limites de leur liberté d’action – d’éclairer l’association mais aussi la Ville de Schiltigheim de leur expérience et compétence.
Consciente de la charge de travail qui est la vôtre, j’aurais hésité à vous solliciter n’eussent été le rôle joué par notre association dans les avancées conséquentes de l’histoire du Dinghof d’Adelshoffen et surtout l’urgence de la situation !
Depuis le 15 février 2017 l’association insiste, par de nombreuses lettres ouvertes (cf. site dinghof.org), pour que la Ville protège la maison du 17ème siècle des intempéries. Au fur et à mesure que l’état de la maison se dégradait (fig. n° 1 à 3) – le rythme de la dégradation est aujourd’hui exponentiel – les solutions s’amenuisaient singulièrement : le simple bâchage de 2017 étant rapidement jugé insatisfaisant, l’échafaudage-parapluie estimé nécessaire en automne 2018 n’a finalement démarré que le 25 avril dernier pour s’arrêter au stade d’échafaudage périphérique qui, à son tour sera démonté le 23 mai dernier ! Les murs de la maison seraient en effet devenus à ce point fragiles que la protection du toit serait jugée inutile… Par conséquent, le 6 juin dernier, une entreprise de menuiserie installait des contreforts et des câbles aux murs des façades. Mr Denis Elbel, vice-président de l’ASMA, venu sur place constater l’état de la maison, préconisera, quant à lui, un démontage-remontage de la maison.
Craignant, depuis de longs mois maintenant, que la maison ne s’écroule sur elle-même, nous avons alerté la CRMH le 15 janvier dernier ainsi que Mr Jean-Luc Marx, Préfet de la région du Grand Est le 24 mars dernier. Monsieur le Préfet reste attentif à l’évolution de l’état de la maison du Dinghof, ce pour quoi nous lui sommes très reconnaissants.
Il nous paraissait donc souhaitable, sur les conseils de Mrs Jean-Jacques Schwien, président de la SCMHA et Jean-Claude Kuhn, président du Parc de la Maisons alsacienne de Reichstett de créer l’opportunité d’échanges de points de vue à partir de vos compétences mutuelles de spécialistes de l’histoire et de la restauration des bâtiments anciens. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à une rencontre qui se fera le jeudi 4 juillet prochain au restaurant la Couronne, 18 rue d’Adelshoffen, à Schiltigheim, de 17h à 19h.
Nous espérons que vous serez nombreux à prendre part à cette rencontre. Nous avons déjà convié, bien entendu, Mesdames Danielle Dambach, Maire de Schiltigheim et Laetitia Basso, chargée du dossier de la restauration de la maison du Dinghof, ainsi que les Conseillers municipaux concernés par ce dossier.
Afin de vous permettre de mieux connaître un dossier pour le moins complexe, voici quelques éléments supplémentaires.
I. PRÉSENTATION DU DINGHOF
Le Dinghof était une organisation rurale répandue au Moyen Âge dans le monde germanique, fondée sur un contrat tacite entre un seigneur laïc ou ecclésiastique et des fermiers, appelés « colons ». Les textes anciens mentionnent sur le site du ban d’Adelshoffen, petit village rattaché à Schiltigheim au début du XIX e siècle, l’existence, depuis 1163 jusqu’au XVIIIe siècle, d’un Dinghof dépendant du Chapitre Saint-Thomas de Strasbourg. Le chef des colons, le Meier, habitait une maison appelée également Dinghof ou Meierhof et percevait pour le compte du Chapitre des redevances en nature. Annuellement y étaient organisées des assemblées (plaids, Dingen allemand) en présence du seigneur ou de son représentant.
II. HISTORIQUE DU DOSSIER DU DINGHOF
2014 : acquisition par la Ville de la propriété Jean Debus La propriété de 41,06 ares (fig. 4) sise au 37A rue d’Adelshoffen comportait un bel immeuble des années 1920 (fig. 4, n°4), au porche décoré de peintures signées R. Goenner, des bâtiments datant du 19 ème siècle (fig. 4, n°3/5/6) et enfin un ensemble historique composé de la maison du Dinghof de la fin du 17 ème siècle (fig. 4, n°1) accompagnée d’une grange (fig. 4, n°2). Lors de son acquisition, le caractère enclavé de la propriété Debus a été souligné par le Conseil municipal qui se proposait de valoriser l’ensemble historique et d’aménager un verger qui aurait porté le nom de verger « Dinghof ».
2016 : vente d’une partie de la propriété Debus à des aménageurs
Devant la menace qui pèse alors sur l’ensemble historique (maison-grange) de la propriété, devant le déni affiché par la majorité du conseil municipal quant à la valeur historique du Dinghof, l’association, secondée par des spécialistes du patrimoine, remet le 2 octobre 2016 à la CRMH une demande de protection au titre des monuments historiques. N’ayant obtenu aucune réponse de l’institution, et devant l’imminence de la destruction de la grange (fin novembre 2016 le toit est entièrement mis à nu), l’association alerte le SRA qui prescrit, avec une grande réactivité, des fouilles préventives. L’arrêté préfectoral (n° 2016/A 341) du SRA précisait clairement « …qu’un diagnostic archéologique du bâti à pan de bois (maison et grange) sera réalisé préalablement à toute destruction… » et que « le diagnostic archéologique en tranchées pourra avoir lieu après la démolition des bâtiments existants hors bâtiments en bois ».
2017 : destruction de la grange le 9 mars
Elle est intervenue avant le début de la première tranche des fouilles préventives ! Cette destruction empêchait définitivement l’étude du bâti de la grange (voir le rapport INRAP, p.53, 2.2.6.2.). Quant à la dendrochronologie de ses bois, elle fut rendue impossible par le fait que ces derniers furent jetés pêle-mêle avec d’autres bois dans un coin de la 2propriété. C’est en tant que chargée du dossier patrimoine au sein de l’association, que je dénonçais, dans la Lettre d’information n°50 de juin 2017 de la SCMHA, le sort réservé à la grange dont j’estimais qu’elle avait été victime de la politique du fait accompli !
2018, 8 et 15 avril : élections anticipées
Début décembre 2017, Mr Christian Ball démissionnait de son poste de 1 er adjoint à la Ville, rejoint, fin janvier 2018, par plus d’un tiers des élus du Conseil municipal. Malgré ce désaveu massif d’une politique plombée – entre autres – par la mauvaise gestion du dossier du Dinghof, Mr Jean-Marie Kutner, à deux semaines des élections anticipées d’avril 2018, parvenait à ses fins : vendre une partie de la propriété Debus à la Société SNC SHA !
2018 -2019 : Madame Danielle Dambach, Maire de Schiltigheim : sa position vis-à-vis du Dinghof
S’il est incontestable que Madame Danielle Dambach, lorsqu’elle était dans l’opposition, s’était engagée pour le Dinghof avec :
– deux rendez-vous organisés par elle pour l’association avec la CRMH ;
– un engagement fort à plusieurs reprises en faveur du non-déplacement de la maison (prévu dans l’acte de vente mais contraire au PLUi et nuisant à l’authenticité historique de la maison) ;
– la volonté de concrétiser le projet promis (verger et valorisation de l’ensemble historique du Dinghof) par Mr Jean-Marie Kutner aux Schilikois en 2014 ;
il nous apparaît cependant qu’elle n’a absolument pas fait, après son élection, tout ce qui était en son pouvoir, à savoir :
– tenter de s’opposer dès son arrivée à l’acte de vente du 22 mars 2018, qui aurait pu entraîner l’annulation du déplacement de la maison ;
– s’engager pour que la maison en pan-de-bois reste sans discussion possible à son emplacement d’origine ;
– mais aussi et surtout s’attaquer à l’urgence absolue, c’est-à-dire tout faire pour que, dès l’élection d’avril 2018, la maison puisse enfin être protégée des intempéries (fig. 1 à 3).
III. 2018-2019 : NOS ACTIONS / VOS POINTS DE VUE
1. Les négociations par la Ville pour le rachat du terrain vendu le 22 mars 2018, menées depuis son élection par Madame Danielle Dambach, ne débouchant sur aucun terrain d’entente, une riveraine du Dinghof décidait en septembre dernier – en place de l’inaction de la Mairie -, de s’opposer à l’acte de vente au TGI. L’association devait rejoindre la riveraine en question, n’eût été le comportement inqualifiable de notre avocate qui nous a lâchés sans préavis et sans la moindre explication !
2. L’association de son côté mène un recours au TA de Strasbourg en estimant que le déplacement de la maison est contraire au PLUi ; que les maisons en pan-de-bois ne sont plus au 21 e siècle des biens meubles comme elles l’étaient au Moyen Âge ; que leur déplacement ne se justifie que par mesure conservatoire ; que de surcroît la partie la plus ancienne de la maison du Dinghof (fin 17 ème siècle) est assise sur sa « cave aux parois maçonnées » (rapport INRAP, Schiltigheim 37A rue d’Adelshoffen, octobre 2017, p. 50) et qu’elle perdrait toute son authenticité historique en étant déplacée. Car la deuxième tranche des fouilles préventives menées par Archéologie Alsace, dont les résultats n’ont pas encore été publiés, a été pour l’histoire du Dinghof d’une richesse inouïe ! En effet nous savons désormais que la date d’abattage des bois est de 1682, ce qui confirme l’analyse stylistique faite par Madame Brigitte Parent dans la Lettre d’information de la SCMHA n° 48 d’octobre 2016 ; la maison se trouve selon toute probabilité à l’emplacement même où s’élevait, dès le Moyen Âge, le Dinghof du Meier, le chef des fermiers. En effet les fouilles archéologiques récentes ont mis au jour, tout autour de l’actuelle maison, six caves profondes, creusées dans le loess, datant des 14ème et 15ème siècles et qui servaient peut-être de silos pour stocker les redevances des colons (Page FB d’Archéologie Alsace, mars 2019 ; visite de l’association à Sélestat le 19/03/2019).
Dès lors toutes les conditions ne sont-elles pas réunies pour que la maison du Dinghof franchisse la seconde étape de sa reconnaissance patrimoniale, la première ayant été acquise le 18 octobre dernier lorsque son dossier a été déclaré recevable par la délégation
permanente de la CRPA ? Ces nouvelles données qui sembleraient prouver l’existence – durant six siècles – sur un même site – et peut-être même au même emplacement – d’un Dinghof ayant appartenu au Chapitre de Saint-Thomas, attesté par les textes dès le 12ème siècle, ne seraient-elles pas suffisantes pour que la maison fasse l’objet de toutes les attentions ?
3. La première des attentions, la plus urgente, ne devrait-elle pas être de protéger la maison des intempéries ? Quant à l’impératif suivant, ne serait-il pas de réfléchir au type de restauration le plus adapté en tenant compte de la valeur historique de la maison du Dinghof,
incontestablement l’un des fleurons majeurs du patrimoine historique schilickois ? Il est à noter par ailleurs que l’enveloppe budgétaire municipale concernant la protection et la restauration de la maison est largement pourvue.
Vous remerciant dès à présent du temps que vous voudrez bien nous consacrer, par mail ou par votre présence le 4 juillet prochain, nous vous assurons de toute notre considération,
Berthe Beyer
Présidente de l’association des riverains du Dinghof
06 76 85 49 86
Pour le comité de l’association